eDEN
FANZINE HOUSE

eDEN ET LES GARÇONS
NUMÉRO6 JUIL/AOÛT 93
10 FRANCS

BEAUTÉ
ZARMA!









eDEN est édité par le COLLECTIF eDEN : 171 rue Lafayette 75010 PARIS.
DIRECTION ARTISTIQUE : Michaël Amzalag @ M/M.COLLABORATEURS : Cécile Alizon, Jean-François Baum, Emmanuel Bérard, Vincent Borel, Tom & Jerry Bouthier, Christophe Cloiseau, Adelaide Dugdale, David Fonteyne, Gitte, Éric Grosjean, Duncan Jouvence, Judith, Tante Julia, Koja, Dr La Champi, Philippe Laugier, Sylvain "Le Gland" Legrand, Didier Lestrade, Christophe "Widowsky" Monier, Serge Nicolas, Fabrice Oko-Osi, Serge "Therapy" Papo, Jérôme Péries, Tétu Posse, Titi, Patrick Vidal. COORDINATION : Christophe Vix. PHOTOGRAPHES : Pierre Andréotti, Christophe Desmoulin, Nicolas Foucher. IMPRIMERIE : Schaffer. (c) eDEN 1993 Reproduction interdite. PHOTO COUV : Nicolas Foucher, RETOUCHE : Michaël.



VOYAGES
Nº 6 Juil/Août 93

ÉDITO/5
PROVINCE/7
CASTORAMA/27
JUNGLE/30
DAVINA/32
FEMMES.../36
ON S'EMMERDE !/40
...UN MARTEAU/45
PHARMACIE/50
STYLE ?/62
LABELS/68
LEVI ACTION SLAX/74
DJs/81
SKEUDS/88



La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, celles-ci n'engageant que leurs auteurs.









INTERVUE
DAVINA

« QUEL EST TON BACKGROUND MUSICAL ? D'OÙ VIENS-TU ?
Mes cousins étaient déjà dans la musique puisque c'était l'équipe qui composait pour DIANA ROSS, MARVIN GAYE et les JACKSON 5. Detroit history. À la base je viens du R&B, mais j'écoutais beaucoup de hard rock étant plus jeune. J'ai donc raté quelques trucs dans la dance, entre autres la disco, car j'étais dans le camp "disco sucks". Puis je suis sortie dans les boîtes homo et c'est là que j'ai découvert la house. Je connais Mad Mike de UNDERGROUND RESISTANCE depuis longtemps car sa mère était ma prof au collège. Ce qu'il fait avec UR a toujours été trop dur, trop industriel pour moi. Quand il a commencé Happy Records avec un des musiciens de UR, il voulait + de vocaux et des morceaux + house garage. Moi j'ai toujours aimé la house avec du groove et de la soul. Il m'a demandé de participer au label. J'ai fait les claviers, composé une mélodie, chanté et voilà, c'est Don't You Want It. Autrement pour les autres artistes, Yolanda etc., c'est Mike qui compose. Avant Happy j'ai écrit pas mal de titres de R&B pour Sony. J'ai aussi produit du rap, plein de choses. Mais ce qui m'a donné envie d'être une artiste c'est vraiment la house. J'aime les clubs, surtout les clubs gays ; les straights ne savent pas vraiment groover !
Y A-T-IL DES LIENS ENTRE DÉTROIT, CHICAGO, NEW YORK ?
Avec le house sound de Chicago, oui. Mais avec NY très peu. La scène new-yorkaise est bizarre ; ils ont leurs trucs très particuliers. De plus les gens de la scène techno de Détroit n'aiment pas l'idée de sortir de la ville ; tout doit rester à Détroit. Le fait de licencier des disques, de s'expatrier en quelque sorte, c'est tabou pour eux. Ils ont une profonde mentalité underground. Mais je veux être capable d'avoir une plus grande ouverture d'esprit car je crois vraiment que tu peux garder le feeling underground où que tu sois, quoique tu fasses, quelle que soit la structure. Tu ne m'entendras jamais chanter une chanson genre WHITNEY HOUSTON sur un label house. Je veux rester proche de la vibe underground, mais pas de la mentalité merde-à-tout-le-monde. Je suis plutôt soft en fait.
ET TES PROJETS ?
Je viens de créer mon label, Nocturnal Images, sur les conseils de Mad Mike où je suis productrice et ingénieur du son. J'ai sorti dessus le 2e maxi, Let It Be Me. C'est un label purement house. Je ne vais pas mélanger les genres. Je donne mes compositions R&B à d'autres artistes ; et j'ai aussi des productions rap sur un autre label. Dans la house, tu peux faire ce que tu veux, être qui tu veux, c'est la liberté. C'est ce que j'aime dans cette musique. »
Happy, c'est ce qui se dégage de cette petite bonne femme, jolie, souriante, pas star pour 2 secondes. La suite sur son label !
PATRICK VIDAL









TRIBUNE
Le plus grand tabou de la scène house est d'avouer, de temps en temps, qu'... ON S'EMMERDE
Qu'on n'a pas envie de sortir. Que rien n'est là pour nous traîner dehors. Que les trois dernières nuits passées dehors étaient vraiment merdiques. C'est une chose impossible à dire parce qu'on passe soit pour un vieux raver blasé, soit pour rabat-joie avec un mauvais sens du timing. Mais je ne vois pas pourquoi j'aurais des scrupules : j'ai de plus en plus de mal à m'amuser dans des clubs ou des raves. Au lieu de rassembler et d'exalter des esprits libres, les clubs semblent concentrer toutes les frustrations de la scène house. C'est l'apologie de la confrontation et des clans. On défend un style de house par rapport à un autre. On en arrive au comble du snobisme quand les puristes hardcore mettent aux nues Sven Väth, qui est peut-être génial mais qui a été, il faudrait quand même le rappeler, Electric Salsa. On est en pleine science-fiction analphabète quand on entend des gosses - qui ne savent rien - dire que Carl Cox est "commercial". Ils n'ont jamais entendu Sasha, Alfredo, Graeme Park mais, pour eux, c'est du déjà vu. L'époque n'est tout simplement plus au love power de la fin des années 80, il faudra bien l'admettre. Je pense que les organisateurs des raves françaises ont beaucoup à répondre de cet état d'esprit. Il est tellement plus facile de faire dans le glauque que dans le glitter. À force de vouloir rester farouchement indépendantes, les raves françaises ont amené tout ce qui est noir et négatif et l'omniprésence de la techno dans cette scène n'en est qu'une manifestation secondaire. Après tout, le simple fait que pas un seul team d'organisateurs n'ait survécu aux pressions et aux disputes fratricides est une bonne preuve d'autodestruction. Comment comprendre que des organisateurs de rave puissent attirer 5 000 personnes puis disparaître dans le mois qui suit ? No future ? You bet. En fait, à chaque fois que nous allons dans une rave, nous ne voyons pas ce qui est, nous imaginons ce qui devrait être. Après toutes ces années, nous n'avons toujours pas droit à la qualité. Les déceptions successives ont été trop nombreuses. Qui a envie de se geler dans un entrepôt pour le seul amour de la pureté de l'underground ? Qui a envie d'étouffer au Rex, qui a envie d'attendre 2 heures pour entrer à la rave de FG ? Je sais très bien ce qu'on va dire : la mère Lestrade est vieille, donnez-lui une pilule. Le pire, c'est sûrement vrai et ça ne m'a jamais fait de mal. N'empêche. Qui peut être sûr que la scène a pris une bonne direction ? On a beau être naïf et croire indéfiniment au développement de la house, il y a 3 ans, quand on imaginait une rave, on pensait à quelque chose de multicolore et de positif. Aujourd'hui, on a cette idée globalement sombre et apocalyptique. C'est un symbole très évident. La rave n'est plus aujourd'hui une alternative aux problèmes que nous vivons tous les jours, elle en est la somme. La seule issue de secours reste, plus que jamais, la drogue. Et c'est vraiment très inquiétant. Peut-être que l'hiver a été trop long. Peut-être que l'esprit baléarique est parti pour toujours. Peut-être que, plus que jamais, il faut aller voir ailleurs. Mais l'esprit authentique de la house est toujours là, c'est juste que nous ne pouvons plus le voir. Il est dans l'air, autour de nous, il est dans ces disques que nous achetons et que nous n'entendons jamais dans les clubs ou les raves. Le seul travail des ravers et des organisateurs est de le capturer et de le concrétiser par des lumières, un son, une ambiance, une chaleur. Cette idée de la défonce, qui prévaut aujourd'hui, n'est pas la house. C'est juste un des aspects de son attrait. Il y a autre chose.
DIDIER LESTRADE









TRIBUNE
SI J'AVAIS 1 MARTEAU...
COMMENT SE FAIT-IL QUE LES JEUNES FRANÇAIS CHERCHENT A RESSEMBLER A LEURS PARENTS ? On entend régulièrement des étrangers se demander pourquoi la France n'a pas été à l'origine du moindre hit dance européen depuis l'époque disco. C'est vrai, en ce temps, VILLAGE PEOPLE, CERRONE et bien d'autres marchaient du tonnerre dans le monde entier et soudainement plus rien, à part quelques exceptions comme DESIRELESS et son "Voyage Voyage" euro-kitsh. Pourtant depuis l'explosion acid de 88, chaque pays européen de l'Italie à la Hollande, de la Belgique à la Suède, s'est distingué par son lot de DJs créatifs et d'allumés des studios, alors que l'on attend toujours un disque français vraiment important. C'est vrai que l'on peut facilement trouver une dizaine de raisons expliquant cet état de fait. Contrairement aux autres, la France a son propre marché du disque : les pays francophones. C'est un assez petit marché, aussi pour vivre de leur musique les artistes doivent être considérablement populaires et notamment chanter en français sur des majors qui laissent peu de place à la nouveauté (à l'inverse des labels indépendants qui malheureusement n'existent pour ainsi dire pas dans notre pays). Bien sûr, les disques étrangers vendent aussi, mais plus souvent grâce à une image forte qu'à autre chose. C'est pourquoi, le rock, devenu prétentieux et pompeux, fascine autant par ses fantasmes se rattachant aux USA : films, les cow-boys, motos, santiags... Les Français ont mis 30 ans à assimiler le rock, une culture anglo-saxonne blanche qu'ils n'avaient pas inventé. Alors combien de temps mettront-ils à accréditer la house, une culture anglo-saxonne noire et gay de surcroît ? Ici, les gens ne réagissent pas au groove et au son d'une musique, mais à son idée. Alors bien sûr, la vie est intellectuelle et demande réflexion et analyse mais la musique n'est-elle pas avant tout faite pour s'éclater et ne pas trop se prendre au sérieux ? Comment se fait-il que les jeunes français cherchent tant à ressembler à leurs parents, qu'il n'existe pas à proprement parler de culture jeune (flirts avec alcool et drogues, & d'évasion et rébellion) ? Bien sûr, les médias sont totalement apathiques, mais ce n'est pas tout. Les Français s'en foutent, tout simplement. Ils ont déjà les plaisirs de la table, la haute couture, la littérature, le cinéma et les arts, toutes les choses qui les ont rendus célèbres dans le monde entier. Alors quand ils se mettent à la musique, ce qui fonctionne plus que tout ce sont les bonnes vieilles formules vues et revues. D'accord, nous avons également une impressionnante scène alternative qui s'est lentement développée des restes du punk (on comprend mieux pourquoi le hardcore est aujourd'hui si omniprésent), mais où cela peut-il bien mener ? Comment est-il possible qu'en 93 les adolescents français, ne déparant pas de leurs voisins étrangers et ravers (cheveux longs, baskets, bombers), puissent se sentir quelque connection que ce soit avec THE DOORS et JIMI HENDRIX (le syndrome VANESSA PARADIS !). Le fait que la plupart des magasins dance spécialisés ferment pour laisser place aux chaînes type Nuggets/Fnac/Virgin et supermarchés est inquiétant mais ne suffit pas à expliquer qu'en dehors de la scène gay, il n'existe pas de culture club en France. Alors se pourrait-il que les Français n'aient pas encore réalisé à quel point les fêtes house sont devenues des endroits importants aujourd'hui ? Des endroits où les règles du monde extérieur ne s'appliquent plus, des endroits où chacun existe et communique à l'égal de l'autre, des endroits où race et barrières sociales s'évaporent pour laisser place à un état d'esprit unique et une musique mondiale. Paris a eu ses raves hardcore (quel fun !), ses quelques compilations dance et la Fnac, un label qui a bien compris l'impact de la scène british sur le reste du monde. Mais, ici, les clubs sont toujours vides et la dance est encore considérée comme une musique de ringard sans créativité, ni longévité. Après tout, ce n'est peut-être qu'une question d'éducation et lentement la situation progresse (12 après ses glorieux débuts, le rap cartonne en France et les rockers commencent enfin à se mettre un peu au funk). Mais où sont les bons DJs à être passés de dance traditionnelle à house/techno ? Même chose pour les studios et ingénieurs, la plupart savent toujours peu faire face aux exigences techniques de ce nouveau son, quant aux musiciens, leurs influences seront bien souvent plus TANGERINE DREAM ou FRONT 242 que Motown et GRANDMASTER FLASH. C'est également vrai, que le public continue d'attendre un ARTISTE sur une scène, allant voir un concert comme si c'était du théâtre alors que la house a fait table rase de tout ce cirque en faisant participer les danseurs et ne privilégiant qu'une seule chose : la musique. Le schéma est pourtant simple : le disque est bien ou il ne l'est pas, c'est tout. Le DJ y croit et le passe, le public est conquis et le fait savoir. Voilà bien la sélection la plus impartiale qui ait été donnée aux musiciens depuis longtemps, alors faudra-t-il attendre que le public français des raves sorte de son abrutissement pour qu'il se passe enfin quelque chose de MUSICAL ?
JAY REMI









DROGUERIE1
ECSTASY, PETITE ORDONNANCE POUR LA E-CULTURE

Très chers ami(e)s ravers, "science sans conscience n'est que ruine de l'âme", comme le disait il y a 500 ans un tourangeau de grand renom. Donc, par ces longs week-ends speeds et colorés où l'on s'agite dans les déferlantes sonores et autres bonheurs chimiquement altérés, ne serait-il point bon de comprendre comment fonctionne, dans nos cervelles d'oisillons, cette substance nommée MDMA ?
Peu d'études ont été menées sur les effets à long terme de cette dope vieille de 80 ans, inventée par les pharmacologistes de la société allemande Merck. Les médecins Anglais commencent désormais à y regarder de près, car on estime là-bas à un demi-million le nombre d'usagers hebdomadaires de la pilule d'amour : evil bless rav-E-culture ! Bien qu'il soit difficile, éthiquement, de donner des X à des cobayes humains, certains ravers à problèmes sont suivis médicalement par une équipe du Guy's Hospital de Londres. On commence donc à en savoir un peu plus sur l'euphorique chimie de nos chers bonbons.
(1) FONCTIONNEMENT DE LA MOLÉCULE
Après un passage plutôt délicat par le foie (le MDMA est passablement indigeste), la molécule va relancer dans le cerveau la production de sérotonine. Neurotransmetteur naturel du cerveau, la sérotonine régit d'autres neurotransmetteurs plus subtils, qui commandent aux humeurs et à l'affect. D'où le grand pouvoir émotif procuré par l'E. Lorsque la sérotonine débarque sur les synapses (les connexions entre neurones), elle va y rester pour quelques heures, bloquant le passage. Gonflés à bloc en sérotonine, les neurones voient la vie en rose.
(2) LES DANGERS DE L'E
Bien moins dangereux que l'héro et la coke, l'E ne rend pas le cerveau "junk". Mais les Anglais ont quand même enregistré, depuis 1990, sept décès d'E-Boys and Girls. Pourquoi ? La sérotonine entraîne aussi la production d'autres neurotransmetteurs, comme la dopamine et la noradrénaline. Un flot trop important de noradrénaline sur l'hypothalamus rend cette glande, qui régule les fonctions corporelles, incapable de répondre correctement au dégagement de chaleur induit par la danse. Il en résulte une hyperthermie et une accélération cardiaque qui peut-être fatale si l'extasié ne se réhydrate pas régulièrement. Outre certaines combinatoires génétiques que personne ne peut prévoir (on ne sait pas, a priori, si l'on est ou non épileptique), les principaux responsables des décès restent les patrons de boîtes qui refusent de servir de l'eau minérale et bloquent les robinets des toilettes. Refuser de l'eau à toute extasié en pleine témon peut être mortel. Tout comme l'empêcher de sortir prendre l'air. Qu'on se le dise : ces refus de commerciaux inconséquents entrent bel et bien dans le cadre de la "non-assistance à personne en danger".
Lorsque les effets de l'E se terminent, les neurones sérotoninés se vident d'un coup, avec comme conséquence ce down démoralisant assez redoutable. Rien de si grave, cependant, qui ne puisse être enrayé par un 1/4 de Lexomil, ou, mieux encore, par un bon massage. À éviter : les bains trop chauds ou trop froids. C'est plus sympa pour le cœur qui, à ce stade, a déjà beaucoup donné.
(3) L'E DÉTRUIT-IL LA CERVELLE ?
Les rats et les singes ont bien de la chance, eux que l'on gave régulièrement de fortes doses de MDMA en laboratoire. Résultat : pris quotidiennement à dose humaine (100 mg), les neurones dégustent. Certains deviennent incapables de produire de la sérotonine. D'autres voient les fibres de leurs synapses rongées, même si les cellules des neurones sont moins atteintes. Bref, si le logiciel tient le coup, le disque dur se vérole. Il s'ensuit, chez les singes (et les Poupées Duracell à 160 BPM) de sévères états dépressifs, des perturbations importantes du sommeil et un état de psychose chronique lourd à porter. S'il n'y a toujours pas de manque, on observe d'importantes dégradations de la mémoire à court terme.
Mais, personne ne sachant vraiment si les neurones sont capables ou non de se réparer, faire du MDMA un neuro-killer est hasardeux. Les fibres qu'il ronge sont susceptibles de se régénérer. Mais le gène des neurones : notre précieux bien ? Certaines études prouveraient que le MDMA attaque les gènes des neurones. Résultats contestables : ces essais, réalisés in vitro, utilisent des doses que n'atteindra jamais le plus barré des ravers, même avec cinq E dans le sang !
En conclusion, l'E n'est pas franchement une drogue récréative et innocente. Elle peut être dangereuse. Tout dépend des circonstances : déshydraté et mal entouré, ça peut mal tourner. Comme le LSD, l'E agit sur les émotions, le rappel des souvenirs, les humeurs, l'appréciation de l'environnement. Si quelque chose de pas cool vous turlupine le cervelet quand vous gobez, mieux vaut être bien entouré, et ne pas prendre la chose seul. Après tout, l'E n'est-il pas avant tout rituel communautaire ?
NOMBRE DE DÉCÈS DUS À LA CONSOMMATION DE DROGUES EN FRANCE POUR L'ANNÉE 1992 :
CANNABIS : O
LSD : O
AMPHÉS : 2
E : non évalué
COKE : 4
HÉRO : 153
ALCOOL : 30 000
TABAC : 110 000
TÉLÉVISION : ?
DR LA CHAMPI



DROGUERIE2
LA NATURE EST EN NOUS

Pourquoi parler santé dans un fanzine house ? Tout simplement parce que la house chante la paix et l'harmonie pour le corps et l'esprit, et que ce message est en rapport direct avec notre bien-être physique et spirituel. N'oublions pas, non plus, que nous sommes un tout : notre corps et notre esprit sont liés. Nous sommes ce que nous pensons. Alors essayons de penser positif, même lorsque cela semble impossible, et donnons à notre corps ce qui est bon pour lui. Il ne tient qu'à nous de savoir tirer le meilleur de la nature. Commençons donc par consommer le GUARANA. Cette plante précieuse, connue des Indiens d'Amazonie depuis des temps anciens, possède une action dynamisante sur l'activité intellectuelle et physique. Autant dire que ses effets sont ceux d'une véritable amphet naturelle. Il est bon d'en prendre en cas de fatigue, de baisse de tonus ou avant un effort physique ou intellectuel prolongé. Attention n'achetez pas n'importe quelle poudre, certaines marques vendues en pharmacie sont chères et faiblement dosées, il faudrait avaler la boîte entière pour en ressentir les effets ! C'est pourquoi je vous indique l'adresse d'une épicerie brésilienne, où on trouve des boîtes de Guarana en poudre à 82 F les 100 g. Le meilleur rapport qualité prix que l'on puisse trouver !
Panier de la Mouffe, 46, rue Daubenton 75OO5 Paris.

(inédit) Voici donc la liste de ce dont on peut abuser, sans risque de mauvais trip, de descente ou d'OD... Je commence par les oligo-éléments. Ils viennent de l'eau, du sol et des plantes... Et chacun d'eux est indispensable et a une action spécifique.
ALUMINIUM : lutte contre certaines insomnies et trouble de la mémoire.
CALCIUM : traitement de la spasmophilie et remède des problèmes de décalcification et des affections osseuses et dentaires.
FER : sans lui le sang ne peut plus transporter d'oxygène et les cellules ne parviennent plus à se nourrir. C'est dire s'il est important (avis aux gobeurs !).
MAGNÉSIUM : indispensable à l'assimilation des aliments. Anti-inflammatoire et allergique. Il stimule la destruction des microbes par les globules blancs. Enfin, c'est un régulateur de l'humeur !
ZINC : grand régulateur de l'hypophyse. C'est-à-dire qu'il participe à d'innombrables réactions métaboliques. Indispensable à la bonne marche de la digestion. Il agit sur notre équilibre nerveux.
LITHIUM : traitement des troubles psychiques (anxiété, angoisse...). Se trouve en boîte d'ampoules à 12,50 F, pas de quoi se priver !
Tous ces OE se trouvent en pharmacie et magasins diététiques.
JUDITH



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eMOVIES

Dans les années 60, le rock psychédélique engendrait toute une ribambelle de films remplis de hippies sous LSD. Du très acid "Tommy" aux trips mortuaires d'"Easy Rider", il est quasiment impossible de dénombrer tous ces films cultes sur la drogue. Et en 1993, voit-on au cinéma des ravers gober des kilos d'ecstas ? Pas encore, mais ça ne devrait pas tarder. Et c'est par le court-métrage que nous arrivent les tout premiers E-movies. Avec 2 joyeux délires d'outre-Manche (comme par hasard!) qui ne font aucune concession et vont bien plus loin qu'un provocateur mais vite rasant "drug movie". Tout d'abord "Weekender" d'un certain Wiz, qui signe là sa première œuvre et que l'on a pu voir dans le Party Zone du 1er de l'an. On assiste à la virée de fin de semaine d'un ado très porté sur les joints et le poppers. "J'ai voulu faire le "Saturday Night Fever" de notre génération" déclare Wiz (22 ans) dans i-D. Mission accomplie si quelques fautes de goût ne venaient pas émailler ce court-métrage : les hallucinations de notre héros franchement stoned sont un peu lourdes et le choix de FLOWERED UP pour la musique n'est pas une des meilleures idées. Mais ne boudons pas : Weekender est un premier pas relativement positif et on attend de voir la prochaine production de Wiz. L'X d'or revient haut la main à Richard Heslop et son envoûtant "Floating" à haute teneur hallucinogène. Soit un délire de 39 mn comme on n'a souvent l'occasion d'en voir (à moins de rester scotché sur Canal+ à 3HOO du matin !) Imaginez une famille genre les Simpson version anglaise et HLM : le père est chauffeur de bus, la mère nymphomane, le fiston gobe des ecstas avec sa copine mutante. Quant aux deux pestes de sœurs, elles adorent JASON DONAVAN et foutre le feu au petit vieux d'à côté. N'oublions pas la grand-mère déconnectée qui joue du soir au matin d'étranges comptines sur son banjo. Tout ce petit train-train, déjà sérieusement déjanté, va basculé dans le délire le plus total car le père, persuadé que le déluge arrive, s'obstine à construire une Arche de Noé dans l'appartement. Totally weird dans un pur esprit Lynch, "Floating" bénéficie d'une excellente bande-son où s'entrechoquent des ritournelles de THE ORB et des clins d'œil house. Comme dans une scène particulièrement gore, où le père, le cœur à l'air, entend une voix lui susurrer : "Feel the rhythm of your heartbeat...". "Floating" est sans contexte LE premier véritable film de la rave génération. Avec ses séances d'hypnose et ses subliminaux ("La contre-nature en ecstase !"), Richard Heslop est en passe de devenir le Lars von Trier de la House Nation. À suivre de très près.
DAVID FONTEYNE









LABEL1
GUERILLA RECORDS

Dick O'Dell travaille dans les sillons depuis une bonne dizaine d'années. Patron du label Y Records, il manage des « ladies punk group » et des « reggae female artists » au début des années 80. Il devient le manager de TORCH SONG, par qui il rencontre WILLIAM ORBIT dont il s'occupe depuis. Avec BASSOMATIC d'une part, mais aussi en fondant le label Guerilla. BASSOMATIC signe chez Virgin et Guerilla attend son heure avec un 1er simple, l'Intoxication de REACT 2 RHYTHM et ses remix de LEFTFIELD. Progressive house ? « Le terme reste avant tout médiatique et le DMC est son inventeur. C'est un nom de +, alors que notre musique correspond + aux qualificatifs Dub House Disco (c'est le nom de leurs compils). House parce que c'est notre fil conducteur, dub pour le West London dans lequel sont situés nos locaux, un quartier très influencé par le reggae, et disco puisqu'après tout cela reste de la dance music qui existe depuis la disco. » Toutes ces références se retrouvent dans les discographies avec lesquelles les groupes du label ont grandi : « D.O.P., DRUM CLUB ou SPOOKY écoutent la même musique, de LEE PERRY à l'indie ou au glam en passant par DONNA SUMMER. » Alchimie que l'on retrouve en studio où les groupes guerillesques aiment à travailler ensemble : forts de leur culture musicale, les groupes se défendent lorsqu'on qualifie leur musique de « blanche ». « Pour mémoire la house vient de Chicago et fut longtemps exclusivement black ; Londres bénéficie d'une grande intégration raciale qui entraîne une culture internationale, contrairement aux States. DJ PIERRE m'expliquait que tout était beaucoup plus ségrégationniste là-bas. Les blacks ont leurs clubs, leurs radios et tout est ghettoïsé. Par exemple c'est à Londres qu'il a découvert LEE PERRY, qu'il ne connaissait pas... »
Guerilla est donc un carrefour musical où les artistes expriment librement leurs préférences. On retrouvera cette ouverture d'esprit qui caractérise Dick O'Dell et ses choix musicaux sur un nouveau label : O, consacré à l'ambient. « Avec quelques vocaux et d'éventuels remix, mais de l'instrumental surtout. » Beau programme et ce, dès le mois de mai.
PHILIPPE LAUGIER









INTERVUE
LEVI ACTION SLAX
NAME: THE REVEREND LEVI ACTION SLAX. STAR SIGN: CAPRICORN. TO BE THE BIGGEST SHOW-OFF IN TOWN YOU HAVE TO BE A GOAT.
"ARE YOU ON A MISSION FROM GOD?
I am God. I was contacted by space aliens to spread the funk. I'll rule the world from the State of Utopia.
YOUR POLICIES?
True democracy. Freedom of speech, no constraints on thought or action. Freedom of platforms.
ANY ADVICE TO 1ST TIME PLATFORM WEARERS?
Get yo'self some stabilisers. If you fall, you can hurt yo'self very bad, but the Reverend has the Layin'On of the hands. I lay my hands on those foxy chicks and they recover. They can feel it - they feel the Reverend Levi entering their soul and healing them. (Heal.. Heal) If they can't dance, they come and I heal them too.
ARE YOU A LAYDEEZ'MAN?
When The Reverend Levi feels he has to spread the word, he invites all the young girls who've been naughty during the week to come forward and he cleanses their souls. I chastise them and they confess. The ones with the best confessions get the most attention and the Reverend gets a different chick every night. That's how Levi works.
DO YOU HAVE A MESSAGE FOR OUR FEMALE READERS?
Yeah. People been getting the wrong idea 'bout Levi. They say he's just after the foxy chicks for their bodies, but it's the mind of the chicks that he's after and what's on them, and I know what's on most of their minds... and I know what's on yours babe.
DOES THE REV. LEVI HAVE A COLLECTION PLATE ON THE DAY OF WORSHIP?
Only thing I collect is Cherryade. No, make that Cherry. C.H.E.R.R.Y.
IF LEE MAJORS IS THE 6 MILLIONS DOLLARS MAN, WHAT'S THE PRICE ON YOUR HEAD?
What's money? Money ain't where it's at. I don't dirty my hands with that, man. I got people walking behind me with barrels of the stuff.
WILL WE SEE AN ACTION SLAX DOLL?
Damn right-with swivel hips and sexual organs. He'll talk, he'll walk, but above all, he'll squirt.
WILL HE HAVE EAGLE EYES?
No, he'll have Evil Eyes.
WHAT DO YOU HATE MOST ABOUT THE SEVENTIES?
The 80s, man. They got in the way between then and now.
WHICH ONE OF CHARLIE'S ANGELS GIVES THE BEST HEAD?
Charlie, the guy you never see, 'cause he's got no teeth.
BOSLEY?
No, man. His breath stank of cigars.
DESCRIBE YOUR LOVE PAD...
Man, I got bacofoil for wallpaper and Astroturf for carpet. The bed's in the shape of a big heart, with black satin sheets and leopard skin love mounds.
CAN I HAVE YOUR BABIES?
Why, sure. Now lie down bitch, and prepare to witness God's second coming."
ADELAIDE DUGDALE









SKEUDS



COMPILS :

EIGHT BALL RECORDS Present "Jazz Not Jazz" (8 Ball-Produce/UK) :
1re compil du label new-yorkais à la mode (témoin l'offre de marchandisage dans le livret) sortie en Angleterre par l'ex-label de THE FARM. On a droit à quelques bons morceaux de hip hop instrumental (genre qui revient en force à New York), deep (JORIO/Romance, LECTROLUV/The Difference), jazz house, et garage (MISS JOI CARDWELL/Goodbye - c'est la chanteuse du dernier album de LIL' LOUIS & THE WORLD).

STRICTLY RHYTHM "The Album" (React/UK) :
Je me souviens d'une époque pas si lointaine où on se désespérait de trouver tous les merveilleux maxis du mythique label new-yorkais réunis sur une compil CD. Maintenant c'est l'abondance et en voici la 5e (à ma connaissance). Elle est plutôt mieux que les autres et on retrouve avec plaisir les derniers HOUSE 2 HOUSE, Roger S., DJ PIERRE, Marc Kinchen (KELSEY/Boy), GEORGE MOREL (String Symphony) et le pur joyau SOUNDWAVES/Gotta Have You.

TRANCE "Progressive House, Tribal Beats, Adventures In Dub" volumes I et II (Rumour/UK) :
2 CD qui compilent des tubes underground récents, c'est la spécialité de Rumour Records. Le titre ratisse large et suit bien les tendances actuelles. Mais finalement, trance, progressive ou tribal, il s'agit souvent de la même musique blanche faite par des gens qui ont trop écouté de pop ou de rock (ou de Jean-Michel Jarre dans le pire des cas, par exemple THE AGE OF LOVE/The Age Of Love sur le vol.1) et pas assez, entre autres, de musiques afro-américaines. Il en résulte des harmonies simplistes et des programmations bien droites. Heureusement, il y a des exceptions, où des tonnes de boucles de percus, de guitares funky et autres instruments bizarres apportent âme et groove aux morceaux. Et justement, on retrouve pas mal de ces exceptions dans ces 2 disques qui, du coup sont carrément à conseiller. Écoutez sur le vol.1 UNCLE BOB/Uncle Bob's Burly House et surtout THE ALOOF Featuring RICARDO NICOLIA/On A Mission avec son gimmick vocal ultra joyeux, et sur le vol.2 EAGLES PREY/Tonto's Drum (Darren Emerson Remix) et sa guitare qui tue, DEE PATTEN/Who's The Badman ou JACO/Show Some Love (Rhythm Invention Remix).
WIDOWSKY

HARTHOUSE "The Point Of No Return Chapter 1" (Harthouse/D) :
Ne serait-ce que pour en finir avec les pour-ou-contre-deutsches-tekkno, on condamne toutes les parties à l'achat (ou au vol : vu le prix au Virgin Megastore, la tactique n'est pas à exclure) des œuvres quasi-complètes de Harthouse, réuni sur une 1re compil. Il y a le meilleur : le Spectrum de METAL MASTER, alias Sven himself, le ZAFFARANO bruitiste, l'immense HARDFLOOR et le hardcore fun d'ARPEGGIATORS et SPICELAB. Et le moins bon : FUTURHYTHM (COSMIC BABY), parfois plat comme une limande, et une plage ambient naze de PULSATION, pourtant excellent dans la démesure de It's So Simple To Do. Harthouse a inventé le nouveau son techno allemand. Depuis, on ne l'a que trop copié. C'est pourquoi ce Point de non-retour fait partie des indispensables.
VINCENT BOREL

THE FREEZONE SOUNDTRACKS "Vol. 1&2" (Freezone-Irma/I) :
Voici une compilation énigmatique : c'est un produit du très recherché label italo-américain (Bologne/New York) Irma, répondant pourtant à l'appellation Freezone Soundtracks et labellisé en tant que tel. Peut-être est-ce une sous-division d'Irma, mais l'important n'est pas là. L'attrait du CD réside dans sa rareté comme représentation d'une certaine production italienne. Bien que la France soit culturellement tellement liée à l'Italie, n'atterrissent dans les bacs de nos spécialistes que très peu de créations italiennes underground. À ma connaissance, seul ACV (Rome) a bénéficié d'une large distribution française (vu également un mini LP d'UMM à la Fnac). Plus que l'Italie, c'est la connexion Bologne/New York qui donne son intrigue à l'histoire ; comment se fait-il que ces 2 villes nouent une relation si intime au-dessus de nos oreilles ? Ce doit être le sens du groove, de quelque chose de "smooth" que les Italiens ont en commun avec les clubs de NY, qui demeure une ville très latine. Une fois de plus, les Français passent à côté. Ces Italiens sont capables du meilleur quand ils ne répondent pas à la demande commerciale. Ici, The Freezone Unit compile sur le mode de l'alternance deep/acid/house. Les titres deep sont sensuels, ensoleillés de trompettes baléariques et rococos (Amor), enrobés de saxo velouté (BEAT 4 LIFE), minimalistes (LOVE NATION), ou encore simplement beaux (BODY ENTERTAINMENT). Les titres acid et house peuvent être datés 1re période, ce qui en l'occurrence ajoute au CD son caractère d'anthologie. Dommage qu'il n'y ait que 10 morceaux, dont le dernier, servant sans doute de conclusion, n'est qu'une séquence ambiante de 2 mn. Italians do it better.

BEYOND THE MACHINES (Infonet/UK) :
Infonet, comme Rephlex, B12, Black Dog and co., appartient à la nouvelle vague des labels anglais de techno underground. Le point de départ commun aux protagonistes de ce mouvement est le rejet de la rave vulgaire ainsi que le culte voué au son de Détroit originel. À ce titre, la 1re compil d'Infonet (313 Detroit) en est un hommage direct regroupant les + grands noms (KENNY LARKIN, Juan Atkins, Carl Craig, SANTONIO, E. Fowlkes...) pour des exercices de style typiques sur le thème "ma machine et moi". Avec Beyond The Machines, c'est le catalogue briton qui est représenté (avec en + E. Fowlkes qui est décidément sur tous les fronts). Dans la lignée de leurs maîtres, les "funny old electro rabbits" (cf. NME) du clapier Infonet tripatouillent le computer afin d'en extraire la substantifique moelle. Et ça marche plutôt bien. Ces nouveaux créatifs répondent aux doux noms de BANDULU, SULPHURIC, THUNDERGROUND, etc. Leur dévotion techno est moins lyrique que celle de leurs pairs, ce qui nous vaut quelques marécages de musique électronique dans lesquels on patauge un peu. Mais ce serait sans compter sur une excentricité toute british qui nous offre d'autres joies pouvant déboucher, par exemple, sur un babacoolisme débridé (KOH TAO/Pom Mi Ru). Exotique !

EXCURSIONS IN AMBIENCE "A Collection Of Ambient-House Music" (Caroline/US) :
Promenons-nous dans l'ambiance avec Caroline. L'offre est séduisante et le parcours bien jalonné : ULTRAMARINE/PSYCHICK WARRIORS ou GAIA/SUB SUB/HIGHER INTELLIGENCE AGENCY/THE FUTURE SOUND OF LONDON... Les gens de ce jeune label new-yorkais - également responsables du 2e LP de SYSTEM 7- font le point sur les diverses tendances du genre ; les 10 morceaux choisis de cette compil très réussie explorent de manière subtile (extraits de maxis vynils dont les mix sont introuvables en CD) la production du moment la + internationale qui soit : Exist Dance/Los Angeles, KK Records/Belgique, +8/Canada, Robb's Records/Manchester... Et c'est avec cette évocation de la "music to live by" (cf. la jaquette) en forme de ballades éthérées, de grooves feutrés ou d'épanchements mystico-dub, que je vous souhaite un bon voyage.

AMBIENT DUB "Vol.I The Big Chill", "Vol.II Earthjuice" (Beyond/UK) :
Entre l'exta et la ganja mon cœur balance. Si vous aimez votre house dub à la mode reggae (échos, réverb) ne cherchez plus, ces 2 compils composent le diptyque de référence en la matière. Largement inspirés par la scène de Birmingham des derniers mois (que cette fusion progressive house/dub 70 a révélée au reste de l'Angleterre), des groupes comme ORIGINAL ROCKERS et HIGHER INTELLIGENCE AGENCY accomplissent l'alchimie dub house et atteignent des sommets hallucinés (Ketamine Entity). Mais beaucoup d'inégalités viennent entacher l'ensemble. La dénomination Ambient Dub étant assez floue, pourquoi ne pas se laisser aller à faire du remplissage (après tout ce ne sont que des compilations) avec n'importe quoi; en ce sens l'ambiantisserie tarte de G.O.L. à la ENIGMA (!) fait mouche. Alors on se demande pourquoi ils en ont fait 2 volumes quand un seul CD bien compilé aurait donné toute sa crédibilité à cet ultime hybride de la house anglaise.
SYLVAIN LEGRAND

ALBUMS :

SPOOKY "Gargantuan", WILLIAM ORBIT "Strange Cargo 3" (Guerilla/UK) :
Gargantuan ou le monde épicurien du meilleur groupe du label Guerilla, SPOOKY. Magiciens d'Oz de la progressive (Land Of Oz), le disque mélange les styles hypnotiques de l'indie à l'ambient, avec une efficacité remarquable en club (Schmoodub par Darren Emerson). Minéral (Aqualung), énigmatique (Orange Coloured Liquid) et féerique (Something's Got To Give), cette danse sera maniérée et élégante jusqu'au repos éthéré (Little Bullet Part One). C'est du PHIL GLASS dansant, influencé directement par les HAROLD BUD, BRIAN ENO, Peter Brook et autres COCTEAU TWINS.
Influences que l'on retrouve sur l'album de WILLIAM ORBIT, fondateur du label. Après un Strange Cargo 2 plutôt barbant, voici un LP envoûtant comme le chant des sirènes (Paradise, le simple potentiel). C'est l'infusion des îles et la saveur des grands soirs, avec claviers façon WIM MERTENS et guitares Vini Reilly. De la transe ambiante mélodique, raffinée et vaporeuse (A Hazy Shade Of Random), voire orientale (Monkey King). Sensuel.

FELIX "#1" et "Stars" (album et maxi DeConstruction/UK) :
1er avril, 1er album : 2 singles tubes immenses et un léger vent de mystère (une brise) quant à l'identité du dit FELIX. Un tout jeune homme à en croire les dires (FELIX fait courir bien des Potin), et à en croire cet album juvénile et spontané. 5 titres (seulement) dynamites, avec une reprise de SYLVESTER, Stars, qui est le nouveau simple, pour un style techno disco revivifié. Avec sur les 12", 5 remix par CJ Bolland et Red Jerry proche du 150 BPM. Cocktail détonnant que l'on retrouve sur It's Me, le french-kissable Fastslow, et You Gotta Work tout en rythmiques. FELIX revisite les tendances comme un sale gosse aux mauvaises manières, les doigts dans le nez. Pas de quoi fouetter un chat, mais pour s'amuser (à chat perché) c'est parfait.
PHILIPPE LAUGIER

X103 "Atlantis" (Axis-Tresor/D) :
3e album de cette série de X1O-et-des-poussières, lancée par Jeff Mills lorsqu'il était tête encore pensante d'UNDERGROUND RESISTANCE. La techno-intello, après avoir exploré les anneaux de Saturne (X102), s'attaque désormais au mythe de l'Atlantide, telle qu'énoncé dans le Timée de Platon. Ambient, lunaire, et aquatique, cette techno-mythologie s'énerve parfois avec des accents de mitraillettes ondulantes et autres métaux dansants qui signent la production du label Axis. Un beau voyage, dark et pas con.

BLACK DOG PRODUCTIONS "Bytes" (Warp/UK) :
Toute la nouvelle écurie Warp : BLACK DOG, APHEX TWIN, B12, c'est de l'air frais dans la techno. Une alternative à 1992 qui aura vu le triomphe de l'acid-mental-techno européenne comme de la transe-pop allemande. Très haut trop vite : ces 2 courants fatiguent quelque peu, la transe tournant fade et le mental répétitif. Après les Germains, inventeurs de sons, BLACK DOG relance le schmilblic techno dans les limbes de ces arrière-pays digitaux chers à Détroit. On en finirait d'ailleurs par penser que Warp ne sort des disques que pour le plaisir esthétique, tant les clubs ou raves pour ce genre de voyage électrique restent à inventer. Un club global où l'on dansera casque virtuel en tête, levant les mains dans la même interface, l'un dans son fauteuil de Tokyo et l'autre depuis Taormine ?
VINCENT BOREL

IN-EXISTENCE "Moonwater" (Apollo-R&S/B) :
Ce soir-là, je n'avais pris aucune drogue. J'étais allongé sur le lit, casque vissé aux oreilles. J'ai commencé à m'en aller, enveloppé de sons organiques. Puis j'ai vu et j'ai senti la froideur de l'espace, me laissant flotter entre terre et lune. Et j'ai entendu couler l'eau inexistante de la lune à travers le temps et les souvenirs de la roche... Ceci est le récit d'une écoute de CD unique. Une symphonie ambiante au-delà de toutes les influences house connues. Une musique racontée comme une tradition orale ; celle d'un peuple oublié, d'une société absolue. Un voyage LSD-esque au cœur de la pureté. La beauté dramatique de l'éternité. Ou bien d'une façon plus terre à terre : new age music with beats de chez Apollo - plus précisément de la division ambient du célèbrissime label belge R&S. Space is the place.

SAINT ETIENNE "So Tough" (WEA/UK) :
Chaque house freak à son jardin secret où il écoute une autre musique pour d'autres raisons. C'est peut-être sur l'un des nombreux chemins qui mènent à la house que la rencontre s'est faite ; il fut un temps où l'on sortait pour l'amour de la musique et les clubs nous le rendaient bien. La techno existait déjà, mais parmi tous les autres genres, il n'était pas question de dictature. Après la transe et la danse venait le réconfort pop. SAINT ETIENNE était là avec leur Only Love Can Break Your Heart, 1er simple du trio anglais que l'on savourait comme un Mister Freeze à la fraise... 1993, 2e LP So Tough. Et entre temps tous ces singles : Nothing Can Stop Us, Join Our Club, Avenue, etc. Écoutez SAINT ETIENNE et découvrez la quintessence pop des 90s. Pour les + techno-réticents, apprenez qu'APHEX TWIN leur a fait de jolis remix (Hobart Paving, EP à venir).
SYLVAIN LEGRAND

EON "Void Dweller" (Vinyl Solution/UK) :
Bruyant.

ROBERT ARMANI "Chicago Sound" (ACV/I) :
Chiant.

MASTERS AT WORK "The Album" (Cutting/US) :
LE album excellent des latinos new-yorkais Kenny "Dope" Gonzalez et "Little" Louie Vega alias MASTERS AT WORK réputés pour leurs innombrables remix et prod. 6 titres hip hop fortement teintés ragga suivis par 6 titres house. Quelques gemmes disco garage (Can't Stop The Rhythm Featuring JOCELYN BROWN), deep (All That, The Buff Dance, It's The Way To Live) et le maxi que tout le monde adore : I Can't Get No Sleep Featuring INDIA.
WIDOWSKY

MAXIS :

Maxis 1993 (Fnac/F) :
Une série de problèmes techniques a fait sauter la moitié des chroniques de maxis dans eDEN 5. Parmi ceux-ci, un certain nombre de productions d'ici, dont tous les maxis Fnac ! Mille excuses ; nous nous rattrapons dans ce nº. Voici donc la saga Fnac Music Dance Division 93, où on voit un label français inconnu devenir "flavour of the month" en Angleterre avec piles de maxis qui s'arrachent comme des petits pains dans les magasins de disques branchés de Londres, articles dans le NME, DJ, Mixmag, I-D, ... Et propositions de licences émanant de labels du monde entier (Fragile, Pinacle, Network, etc.). Tout commence en fait fin 92 avec la sortie de DEEPSIDE "Deepside EP" qui marque une nette évolution par rapport au 1er maxi du groupe pour Fnac, le Seclude EP, et la prise de contrôle du groupe par Ludovic Navarre qui signe tous les titres (Guy Rabiller, l'autre moitié, est revenu depuis à ses 1res amours, le cinéma ; il prépare un long-métrage). Le disque est excellent, et séminal. Cette fois, plus de bruits d'aspirateur et autres insectes exotiques mais tous les ingrédients qui vont faire le succès des maxis Fnac suivants : un son sous influence techno Détroit ou Chicago 87-88 avec boîte à rythme TR808 estampillée, réminiscences acid TB303 (sur l'efficace et hypnotique Get On Your Own Way proposé en 2 mix), synthés analogiques, et en contrepoint obligé le côté cérébral, froid, pesant, (presque) sans humour de cette musique. Mais la réussite est là : Prelusion (qui préfigure SOOFLE) et Heart Of Space atteignent les sommets. Seule fausse note du Deepside EP peut-être : Diipside qui rappelle trop un SUBURBAN KNIGHT/The Worlds déshumanisé ou leurs propres Deepside Remixes de The Art Of Stalking (et qui révèle en passant une des influences majeures du groupe). Pour arriver à ce résultat, Ludovic Navarre s'est équipé et peut dorénavant mixer et enregistrer à la maison. Du coup, tous les maxis Fnac de la période (à part LUNATIC ASYLUM) vont être, au moins, mixés chez et par lui.
Début 93, Fnac commercialise SOOFLE "Nouveau EP". C'est le disque commun de Ludovic et de SHAZZ. Et ça donne un chef-d'œuvre de techno douce et climatique qui tend vers la deep. Thrill et Away sont des classiques. SHAZZ travaille aussi avec LAURENT GARNIER et le résultat est CHOICE "Paris EP". Tout de suite le 1er titre, Acid Eiffel, remporte un franc succès sur les pistes et est plébiscité par les DJs. Il s'agit d'un long instru de 13'34 entre trance et acid. L'autre moment fort du CD maxi est 78. Trois autres morceaux sont présents dont From The Arch dans un mix légèrement différent de celui de la compil Respect For France. Puis vient SUBURBAN KNIGHT "The Art Of Stalking (Deepside Remixes)". C'est la consécration pour Ludovic Navarre qui remixe ce classique de Détroit ; d'autant plus que Transmat les sort là-bas ces jours-ci. Ses 3 mix sont beaucoup plus rapides et durs et n'ont plus grand-chose à voir avec l'original (aussi présent sur le CDM). À noter l'existence d'un clip très réussi réalisé en France pour les remix par Laurent Chartier.
Ensuite, comme une parenthèse dans l'avalanche de productions de la bande Navarre-Shazz-Garnier, Fnac sort le 1er maxi de LUNATIC ASYLUM "Techno Sucks Volume 1". Changement d'ambiance, même si c'est aussi de la techno (ne vous fiez donc pas au titre), la musique de LUNATIC ASYLUM cherche ses influences en Europe continentale. Les accords sont moins complexes, les mélodies plus pop (Jordy Killer le bien nommé) ou new-wave (Eternal) et les tempos sont très, très rapides (l'extrême et très convaincant Gobots tourne à 160 BPM !). On referme la parenthèse et on enchaîne très vite sur 2 maxis (à chaque fois 1 titre, 4 versions) écrits par un SHAZZ devenu hyperactif : AURORA BOREALIS "Aurora Borealis" et SHAZZ "Lost Illusions". Sur Aurora Borealis, toute la bande est réunie. SHAZZ revient un peu au style du Shazz EP, TB303 en sus. LAURENT GARNIER fait un mix très DJ avec arrivée progressive des séquences et ambiance à la Acid Eiffel. Et Ludovic Navarre nous donne la version la + sophistiquée. Vix qui a craqué sur Lost Illusions vous en parle plus loin dans ces pages. Sont prévus dans les semaines qui viennent 2 nouveaux disques de Ludovic Navarre : DEEPSIDE "Tolérance EP" et MODUS VIVENDI "Modus Vivendi"; un titre commun de Ludovic et SHAZZ : L'N'S "Good For Me No Good For Me", floorfiller très disco, qui ne sortira qu'en maxi vinyl, un mix, une face gravée ; et les nouveaux LAURENT GARNIER "À bout de souffle" et LUNATIC ASYLUM "A.L.S.O. Techno Sucks Volume 2". Ensuite les sorties marqueront une pause pendant un mois, avant de reprendre fin juin.
Ainsi, la France est définitivement placée sur la carte mondiale de la house. La stratégie à long terme de la Fnac de produire maxis sur maxis, rassemblés de temps en temps dans une compil est payante. C'est d'ailleurs la stratégie de tous les labels étrangers de house, et les quelques maisons de disques françaises (Delabel, BMG) qui pensaient pouvoir faire autrement ont vite abandonné toute velléité dans ce domaine, au détriment bien sûr des artistes qui y avaient cru. Le danger serait maintenant qu'à force de travailler ensemble et d'utiliser le même matos, les artistes Fnac finissent par retomber sur les mêmes sons et les mêmes plans ; et leurs disques de se suivre et de se ressembler. Déjà, malgré les noms de groupes différents, le morceau de l'un pourrait parfois être sur le disque de l'autre sans que cela choque qui que ce soit. Ça n'enlève rien à leur qualité, mais il faut faire attention à ne pas lasser un public house avide de nouveauté (surtout en Angleterre, base de conquête du monde pour Fnac).

PILLS "Air EP" (Rave Age/F) :
Je sais, on est en retard, mais c'est encore une des chroniques qui a sauté la dernière fois. Air EP est le 1er vrai maxi de PILLS et était attendu depuis longtemps. 4 titres dont Read My Lips, leur tube, et The Rave, aussi présent sur la compil Tekno Nostrum.
WIDOWSKY
« Le corps, le cœur et l'esprit... »

SHAZZ "Lost Illusions" (Fnac/F) :
Il faut croire que l'énergie du désespoir est une des meilleures sources d'inspiration qui soient, SHAZZ a un cœur gros comme une maison ! La 1re version sent le son maison, l'Orange Mix est un bon mariage d'acid et de garage, la voix de SHAZZ passe très bien. Je craque encore et toujours sur l'Apple Mix, le 2e, qui a une pêche d'enfer, un groove proche des productions américaines ou italiennes ; mais comme son nom l'indique, référence est faite à New York. Masturbation Mix en dit long sur les états amoureux, on se prend souvent la tête et on est arrêté dans son élan ; ce mix s'adresse à ceux qui sont en crise nombriliste. Léxomil à tous les étages !
VIX

WHITNEY HOUSTON "I'm Every Woman" (double maxi Arista/US) : (inédit)
S'il est un titre "anthemic" en ce moment dans toute la queer nation c'est bien celui-là. Tous les ingrédients sont réunis, une solide chanson d'ASHFORD AND SIMPSON (le plus grand duo d'auteurs/compositeurs ever !) pour CHAKA KHAN cru 78, pur vintage disco revisitée par CLIVILLÉS & COLE. Le seul problème ? C'est un disque de WHITNEY HOUSTON. Aïe ! Horreur... La blanchisseuse de la soul, la reine de la soupe crossover... Il lui manquait la chanson, elle l'a trouvée, preuve une fois de + que le répertoire est essentiel pour ce genre d'interprète à grande voix. Elle semble se donner, se faire plaisir, bref retrouver ses racines. C'est évident dans le clip avec les real mothers en guest, CISSY HOUSTON, Valerie Simpson, MARTHA WASH et Chaka herself ! Le double maxi décline I'm Every Woman en 3 mixes vocaux, 1 a cappella, 1 dub et 1 Every Woman's Beats. 2 beaux House Mix avec chill out jazzy au milieu pour repartir en deep craze, ligne de basse claquante implacable, effets dub, tourbillons de cuivres et enchevêtrements de samples vocaux qui donnent le vertige. Beaucoup de savoir faire, un peu trop voyant peut-être mais le tout fonctionne très bien, les hurlements sur les dancefloors dès l'intro parlent d'eux-mêmes. Mais attention ce n'est pas une raison pour acheter son prochain.

SINCLAIR "Le Fonk" (white label/F) :
Pur groove, on dirait FATBACK puis on pense à EDDIE HARRIS, aucune indication, une petite merveille de funk qui donne des démangeaisons des pieds jusqu'aux creux des reins, on danse encore et encore, mieux que sur du JB's. Tiens ! Peut-être les OHIO PLAYERS, Atlanta et puis on apprend que c'est français ! Décidément la musique commence à très bien se porter en France, une scène house, une rap et maintenant du vrai funk, c'est le bonheur. Enfin pas tout à fait, il reste à tuer les directeurs artistiques pour libérer la musique.

HUE AND CRY, BRIAN FERRY, PAUL McCARTNEY, KID CREOLE, etc. remixes par JOEY NEGRO, BROTHERS IN RHYTHM, FUTURE SOUND OF LONDON :
Halte ! Stop ! Marre des remix et des remixeurs prêts à tout pour de l'argent. À quoi (et à qui !) peut servir un house mix, trance dub ou progressive whatever de McCartney, qui doit tout ignorer de la scène house anglaise. Qui a envie d'entendre son morceau sur un dancefloor ! Les partisans des remix rétorqueront aussitôt en affirmant que le meilleur moyen de faire accepter voire aimer la house par un plus large public, c'est justement le remix d'un artiste pop célèbre. C'est faux. Les remix sont des commandes des maisons de disques, pas des artistes, qui le plus souvent ne connaissent même pas le travail des remixeurs (exception faite de DAVID BOWIE qui considère MEAT BEAT MANIFESTO comme un des groupes les plus novateurs du moment et leur fait remixer Pallas Athena, morceau déjà ambient house dans l'album... Démarche cohérente) ; le but est uniquement mercatique, aucune ambition artistique là-dedans. De plus il existe suffisamment de très bons titres commerciaux composés, produits et arrangés par des musiciens typiquement house (BIZARRE INC, SUB SUB, ROBIN S...) pour se passer de ce genre de compromissions. Si la house doit un jour être surexposée (ce qui, n'est pas souhaitable) elle le sera grâce à ses propres artistes et producteurs. Pour le moment, il faut continuer de composer des titres originaux pour que cette musique demeure aventureuse, inventive, démangeante, hors norme... Continuer avec ces remix c'est de plus faire le jeu des major companies, c'est leur donner le contrôle de cette musique qu'elles n'aiment pas et c'est enfin la présenter sous son aspect le moins créatif et le plus cheap. Un des dossiers de I-D d'avril était : "la dance music a-t-elle tué les pop stars ?" Pas encore hélas. Veillons à ce que les pop stars ne tuent pas la dance music.

HARDFLOOR "Trancescript" (Harthouse/D) :
Les paris étaient ouverts : après le coup de génie de Acperience, Oliver Bondzio allait-il se scratcher ? Non. Trancescript, bien que construit à l'identique (8 minutes de transe, avec montée de cordes sublimes et reprises tétanisées), paraît avoir été inventé pour régénérer la musique de club. Avec sa rythmique Chicago et débonnaire, le trio des 303 s'empare de l'oreille et de la moelle épinière pour ne laisser couler que la pure joie. Bondzio : inventeur de l'acid festif !

MARCO ZAFFARANO "Minimalism III" (Harthouse/D) :
"Trancecore", c'est bien l'esprit du petit Zaffarano de Stuttgart. Romantisme speedé. Coupant ses rythmiques ondulantes avec des thèmes à voir descendre d'un coup la sainte trinité et l'Olympe assemblés, ce techno-kid de 21 ans à l'émotion speedé est le roi des petits-bleeps-qui-font-tout. Un disque à mettre sur toutes les platines stylistiques : le bon peuple et la cour vous baiseront les pieds, et peut-être plus.

ROLAND CASPER "Warehouse EP" (Structure/D) :
Want some acid? Vinyl rouge et macaron frappé au sigle du club le plus mental des 2 Allemagnes : Warehouse (Cologne), les 6 titres méningés mènent le trip vers la BD trash et dynamitée. Le hardcore et l'acid, liés par des ambiances diaboliques font de Casper un génial punk sonique. Notamment avec Heare, ambient acid profond, si profond...

AFX "Analogue Bubblebath 3", Kosmik Kommando EP (Rephlex/UK) :
On vous les a mis en vrac, ces maxis du label d'APHEX TWIN, parce qu'entre les chiffres, les codes, et les pochettes en papier kraft recyclé, on finit par se prendre la tête. Malgré ce culte cryptique de l'underground, le prodige de Cornouailles et ses renégats inventent à chaque morceau (chaque galette étant Jah merci fort consistante) des paysages de modernes merveilles, et ce malgré l'emploi de vieilles recettes. Est-ce de l'indus-acid à retombée lente ? Du breakbeat spatialisé ? Du planant motorisé ? Ou un clair de lune aquatique ? Toujours surprenant, intelligent, réussi, Rephlex est le label révélation de 93. Culte auprès des DJs de 18-20 ans, on ne l'entend pas encore assez sous les doigts français.
VINCENT BOREL

AFX "Analogue Bubblebath 3" (Rephlex/UK) :
Voici un objet rare et totalement impensable : le compact white label ! 2 faces vierges, indifférenciables (prise de tête à l'utilisation) à l'intérieur d'une boîte brute avec comme seules fioritures l'étiquette signalétique. Le numérique immaculé. Autre nouveauté, le format : support single, contenu 13 titres, prix 73 F. Mais où va-t-on ? Dans l'univers incontrôlé de Richard James : n'appartenant à aucune école de la techno, ce post-adolescent libère ses fantasmes électroniques dans la création effrénée de mondes sonores traumatisants et merveilleux. Il ne tapote pas sur ses claviers, il met les mains dedans et jusqu'aux coudes. Là, nous avons 13 tableaux déglingués où des prises de sons étranges interviennent (lavabo, aspirateur, poumon asthmatique) et dont les 4e, 8e et 9e sont à tomber dans le coma. Une sensation techno neuro-transmise, à écouter contre un mur ou dans le ciel.

ARIEL "Let It Slide" (DeConstruction/UK) :
Now that's what I call indie-dance! Si le terme n'est pas trop suranné. Pour ceux qui n'ont pas connu la grande époque indie, explication : ce titre comporte des guitares, des beats et une basse house, une voix sucrée ; le tout enveloppé pop. ARIEL est un groupe mineur en GB et carrément inconnu en France. Pourquoi ?

FLUKE "Slid" (Circa/UK) :
On glisse beaucoup en ce moment. Du mélange pop house d'ARIEL à la variété house de FLUKE, il n'y a qu'un pas et l'on "slidera" de l'un à l'autre avec plaisir. Variété house en anglais ça se dit balearic (du temps où des clubs comme Shoom étaient influencés par le son hétéroclite des vacances aux Baléares de 88). Slid est une ritournelle groovy aux accents progressifs, de part les 4 mix très étirés (pas - de 7 mn) qui l'accompagnent, où entre autres Justin Robertson donne du sien.

DIY "Hothead CD" (Warp/UK) :
DIY pour do it yourself ; il s'agit d'une devise qu'un groupe d'anglais très indépendants, organisateurs de raves gratuites (comme Spiral Tribe, la techno en moins), a faite sienne, parce que dans ce monde cruel on ne peut compter que sur soi. Parmi ces itinérants libres d'esprit, 4 DJs (DK, Harry, Digs, Woosh) se sont réunis pour composer une house des plus progressives. La sensation induite est la transe, alors que de subtils drapés vocaux tournoient en volutes épaisses et que le rythme bat régulier, tribal. À noter, DJ PIERRE fait son Wild Pitch Mix sans grande conviction, un peu plat.

NEW ORDER "Regret" (London/UK) :
Ouvrez les fenêtres, le printemps est là. Ils sont de retour avec le simple le + rafraîchissant du moment. Annonciateur du LP que tout le monde aime d'avance (Republic), Regret renoue avec le passé ; rien n'a changé, c'est bien du NEW ORDER qui fait toujours de délicieux bonbons musicaux doux-amers. Préférez le Fire Island Mix avec son piano sautillant made in Junior Boy's Own. Smile ! It's NEW ORDER.
SYLVAIN LEGRAND

THE LOVE TRIBE "Garden Of Delights EP" (Mama/UK) :
Encouragé par le succès américain de son Enjoy Life (Eight Ball) qui lui a valu une 10e place dans le dance chart du Billboard, le groupe WAVE lance donc à Londres le label Mama. Le Mama 001 est un cocktail varié de 5 mix aux titres orgasmiques, dont 2 (face A) sont à l'origine un morceau composé par WAVE pour un fashion show danois. Meeting Venus (Triumphal Edit) est construit en 3 parties de façon intelligente et originale et s'articule ainsi autour d'émotions différentes. Le Vine Leaf Dub en est une version à l'italienne. Sur la face AA, Valley Of Pleasures (Luscious Mix) qui tourne à 93 BPM a la noblesse (si rare !) de caresser nos tympans et les sentiments mélancoliques connexes. Le Reve Edit est une irrésistible invitation au sexe. Enfin le Organic Sub est le mix spécial dancefloor qui sera malheureusement celui le + passé dans les clubs.
PAPO

WAX WORKS "Wax My Tracks EP" (Toronto Underground-Hi Bias/C) :
Voici un EP house parfait : inutile d'y chercher la version DJ. Les 4 morceaux sont ici des originaux, écrits, composés et produits par DJ Érik Rug himself, avec le savoir faire de ceux qui connaissent les pistes de danse. Au-delà et au-devant des modes, Rug revisite l'happy rushing house (Every Day And Night), restructure la deep façon progressive et tournoyante (My Love Ain't Free), et vous hypnose, entre nappes féeriques, percus et claviers disco, de samples amoureux (Ewooh!, Oohh Baby (All Night Long Mix)). Pour tous les dancefloors et pour chaque heure de la nuit, un EP dansant et émotif, envoûtant et... Français. Le tout sur le légendaire label canadien : ce sont les Glassworks revisités house. Wax Works indeed.

GIMME SHELTER DANCE (Food/UK) :
Food Records réalisent un disque de charité grande classe au bénéfice des sans logis. Une reprise des ROLLING STONES par POP WILL EAT ITSELF, GARY CLAIL et On U Sound (tous sur la même version), par BLUE PEARL ensuite, et surtout par 808 STATE Featuring ROBERT OWENS et ses vocalises saules pleureurs. Pour eux et pour la bonne cause.

FUNK MACHINE "Let's Get The Party Started" (Flying/I) :
Disque apocalyptique, forcené de grooves. Basse acoustique, bleeps, guitares wah-wah, avec en prime, un crescendo sonore uplifting revigorant. Avec ce disque, ça jump dans tous les sens ! Garanti 6 mois.

SHADES OF RHYTHM "Getting Away" (ZTT/UK) :
Voici un groupe techno pop anglais qui a du mal à grandir. Après les tubes rave que furent Sweet Sensation, The Sound Of Eden (le bien nommé...) ou Extacy, 2 singles catastrophes (Happy Feeling et Fear Of The Future) façon hardcore disjoncté, plongent le groupe dans l'anonymat retrouvé. Sweet Revival n'était ni sweet ni revival, mais bien plutôt mort-né. Alors avec Getting Away, voici venue l'heure des réconciliations. Simple garage house aux multiples facettes : Her Side (dub piano rafraîchissant) et His Side (jungle pop et tube potentiel). Alors, pardonné ? Attendons le prochain, dans l'ombre...
PHILIPPE LAUGIER

MISE À JOUR 6.1:
Pour signaler quelques CD arrivés en dernière minute dans nos contrées. Tout d'abord la compil du printemps, CULTURAL HOUSE (Cultural Vibe/UK), qui contient 12 bombes de jazz et deep house américaine, purement shuffle (amateurs de rythmes robotiques, s'abstenir !). Ça se veut la suite de la célèbre série des Jack Trax qui avait initié pas mal de monde à la house en 87-88. Quelques producteurs connus (Victor Simonelli, Tommy Musto, Todd Terry, Arthur Baker, et surtout Victor Romeo) et la merveille des merveilles, VIL-N-X/What Cha Gonna Do ?. Très économique, COWBOY RECORDS "The Album Volume I" (Cowboy/UK) retrace la jeune histoire du label, sur 2 CD pour le prix (et l'encombrement) d'1. Un peu garage, un peu pop, un peu dub, beaucoup progressive, en un mot : balearic. Toujours original aussi : les gens de Cowboy ne sont pas kéblo sur un seul style et n'hésitent pas à sortir des disques différents, pour défricher et innover. On retrouve avec plaisir les maxis sortis en 92-93, notamment ceux de SECRET LIFE, WELL HUNG PARLIAMENT, THE ALOOF, en attendant "The Album Vol II" prévu pour l'automne. Autre label anglais captivant, Guerilla sort sa DUB HOUSE DISCO 2000 (Guerilla/UK) que je trouve beaucoup mieux que la 1re Dub House Disco, grâce en particulier aux géniaux SPOOKY, REACT 2 RHYTHM, EAGLES PREY, 2 SHINY HEADS/Dub House Disco et au Murk Boys Mix de D.O.P./Oh Yeah. À noter la plus belle pochette de la saison, par la Designers Republic, fidèle au poste. Déception par contre pour la compil UMM "Underground Music Movement The Remixes" (UMM/I) avec quelques remix inintéressants de titres américains licenciés par le label napolitain (dont le massacre du pourtant splendide à la base UR Feat YOLANDA/Living 4 The Nite) et pas assez de perles italiennes comme PROGETTO TRIBALE/Bongo Midi (Projecto Remix) ou l'exaltant TRANSITIVE ELEMENTS/Night (Smoothsounds Rmx).
Du côté des albums, il faut signaler la sortie en pressage anglais, 6 mois après la version US, de THE REESE PROJECT "Faith Hope & Clarity Remixed" (KMS-Network/UK). On trouve sur ce double CD l'excellent album américain original, + 13 remix par GROOVE CORPORATION, BUMP, UR, MK, Carl Craig, Tony Humphries, JOEY NEGRO, CJ Mackintosh... Carrément indispensable ! Sur le front acid jazz, voici l'incroyable album de JAMIROQUAI "Emergency On Planet Earth" (Soho Square-Sony/UK) où on retrouve ses géniaux trois 1ers simples, When You Gonna Learn, Too Young To Die et le dernier, Blow Your Mind, complètement disco. Influences soul rare groove funk 70 de ARETHA FRANKLIN à CURTIS MAYFIELD + préoccupation écolo-chamaniques. On retrouve aussi son côté magicien des synthés qui a frappé ceux qui l'ont vu en concert l'hiver dernier à Bobigny. Seul regret : une tendance à la surcharge et à la démonstration technique bien courante quand on utilise de vrais instrumentistes... On attendait avec impatience l'album d'INDURAIN (Rosebud-Barclay/F) après le superbe Eden sur la compil PUR. Cette fois le groupe s'est entouré de 5 chanteurs, dont les déjà connus Claude Sabbah (UNIVERSOUL STATION/To My Mother sur PUR) et ROUSSIA (quelques simples, et une collaboration avec Phil Good et Olivier Abitbol à sortir sur Guerilla). Mais attention, et j'en connais qui vont être déçus, pas de house cette fois, mais 10 titres fusion acid jazz-electro-pop-disco pour un résultat très original surtout sur les morceaux les + expérimentaux (Nobody Knows, Enmoue, Shanti Apu...). Des maxis remix house sont prévus, mais pourquoi ne pas les avoir incorporés à l'album ?
WIDOWSKY
« C'est pas des bigoudis, c'est des lardons ! »









FÊTES
FAIRE LA FÊTE, PAS LA TÊTE

Où étiez-vous le vendredi 26 février au soir ? À la fête eDEN, on l'espère, meilleure party parisienne depuis longtemps. Oui on s'flatte peut-être, mais qui le fera à notre place ? Donc on y revient : grande affluence à la Danceteria, joli lieu exo-ésotérique, dont le principal leitmotiv est, comme son nom l'indique, la danse. C'est aussi la principale motivation d'eDEN qui, tout en sport et muscles déployés, vous présentait son new nº et ses entraîneurs : DJ Tom, Djul'z et surtout Papo & Co, DJ Érik Rug. Quelques carences musicales mais on fera mieux la prochaine fois. Une semaine avant on assistait aux play-back désastreux des poor drag queens de la S. Bartsch, qui inaugurait l'esprit NY dans 2 lieux bad-caves parisiens (Bobino et La Loco) et ce, à 3 semaines d'intervalle. 3 semaines + tard La Ménagerie déménageait, se cassait le bec à Bobino et "les fauves de tout poil perdirent leur plumage", proche été oblige. Fiasco donc, confirmé par la risible Queer Nation party au Palace (In Deep And Dance) de Martine Mégère, où ni british ni french frogs n'ont cru bon de venir. Et à défaut de Princess Julia et Luke Howard, Éric Candy et Armand aux platines nous donnaient des cours de franglais réchauffé : carnage ! Au Privilège officiait pourtant, comme chaque lundi, un très bon DJ house, Bruno Gervais rafraîchissant à souhait.
À part ça, les traditionnels Mozinor, Evil's Dead, "Grungy World" et autre ve-ra s'adressent de + en + à un public punk et ne-ski ; et même l'expected germanique rave avec Sven Väth fut vraiment trop no future (Manu le minou, euh pardon, le malin, où es-tu ?). Le meilleur exemple ? La Tribe Vibes d'Ivry avec bar VIP (le propre des raves étant de ne pas avoir de Very Innombrables Pédants) pour lieux gore et 230 BPM de 'ardkore (Pat Cash et Spiral Tribe). Avec en + des propos anti-pd par le MC local... Mais quoi ! Commentaires ? La Rave Up d'FG fut tout aussi scabreuse, mais réussit à attirer jusqu'à 6 000 personnes (pour une abbaye de 3 000), ce qui démontre tout de même le potentiel du support médiatique important qu'est devenu 98.2. Seul Fantom, grâce à une petite salle house, fit l'unanimité : il y faisait froid mais l'ambiance y était (très) chaude... Pendant ce temps, les soirées Erotika voudraient bien recréer l'euphorie Folies Pigalle version techno, mais le lieu est vraiment trop cradingue.
Heureusement l'esprit underground survit pour le plaisir des petits (rue Lasson avec Moose, Eren et l'excellent Gary Marsh des DIY transcendant la progressive jusqu'à la disco) et des plus grands (Garnier au Cirque d'hiver). Sinon le Rex lasse : trop de queues à l'entrée, au vestiaire. Chaleur (suffocante) humaine et musique cold que ne relèvent pas les Wake Up une fois par mois, avec les éternels DJ PIERRE, derrick May et toujours du Détroit minded lascif. N'y a-t-il que ces DJs sur terre ? Hyper décevant... Alors danser chez soi en écoutant Didier Sinclair, Érik Rug ou Le Castor sur FG ? Non ? OK, let's go out.
La best party of all fut sans doute le Bal des clans, organisation institutionnelle par toutes les locos nocturnes parisiennes, le tout sponsorisé par les Clans Campbell (alcools gratuits pour nuit d'ivresse). Une véritable kermesse de luxe à la Grande halle de la Villette, géniale pour l'ambiance hystérico-bourrée plus que pour la musique. La 2e meilleure soirée enfin fut l'Hyphen au Stadium Maison Blanche, parfaite pour sa multitude de salles de squash proposant projections, dancefloor, DJs et drummer en cage. Un chill out réussi (for once) d'une irrésistible force, et une musique plus que correcte avec Pacman, Didier Sinclair, DJ-Boom-Djul'z et surtout, surtout, l'incredible Hazel B. Voilà une jeune fille qui saurait vous faire danser sans musique, tant son énergie est communicative (quel déhanché...) ; mais comme en + elle n'a que des bombes dans ses caisses, du dub disco, tribal house et perfect groove progressif et tout, vous imaginez... God save the queen : et oui, elle est anglaise. See you, and see her ; et fêtes de beaux rêves jusqu'à la rave des 20 ans de Libé à la Grande halle de la Villette featuring Mick Pickering, Sasha, CARL COX, Érik Rug, Paul Van Dyk et M PEOPLE, BIZARRE INC live ! + une surprise. After sur place dans une salle inconnue et souterraine avec Papo, Djul'z, Jack, LAURENT GARNIER, un grand DJ hollandais et Éric Nouhan live. Wooah !!! Très très very glop ! Sweet dreams indeed le 5 juin.
PHILIPPE LAUGIER









COURRIER (inédit)
RÉPONSE
Lu dans Mix Mag : DJ Tom et son brother in rhythm Jay Rémi (journaliste in Best), duo cartoon (Tom et Jerry), répondent en anglais le pourquoi du retard français en matière de house, et brossent les britishs dans le sens du poil (style "you're the best and the one only..."). Certes, les maisons de disque fonctionnent comme le public : à coups de massue et bourrage de crâne, on ne croit au potentiel commercial d'un disque que trop tardivement. Notre culture, bien plus orientée bouffe, ciné, mode, n'a pas les médias suffisants dans le créneau musical pour découvrir et soutenir les tendances et créativités nouvelles. C'est vrai, on écoute les Doors en 93, découvre le rap avec 3 ans de retard. C'est vrai, la dance et culture club étaient plutôt attribuées aux gays pour commencer.
Mais les arguments positifs dans tout ça ? Les Anglais sont bien connus pour leur chauvinisme, et ce surtout en matière de zique, résolument insulaire : ils nous jugent trop complexés et ce n'est pas en leur donnant raison qu'on les surprendra.
À Paris et en province, les raves attirent jusqu'à 5 000 personnes (gays et hétéros compris !). Le Rex chiffre 800 ravers hebdomadaires, et la France a sa radio techno (certains pays nous envient), dont l'essor est plus qu'encourageant (6 000 personnes pour leur dernière fête). La France a ses labels spécialisés (Fnac, RAR, ADSR), ses ambassadeurs DJs (Garnier en Angleterre, Rug en Suisse et en Allemagne, Candy en Italie...), et une scène "capitale" (Paris) considérable (Pacman, Sonic, D'Julz, etc.), ainsi qu'une presse en pleine implosion (Up, Spirit, Coda, Clubland...).
Que les Anglais aient su personnaliser une mouvance d'origine US (Chicago, Détroit), certes, mais qu'en est-il de cette auto-contemplation pour des mouvances que l'étranger n'a pas forcément envie de suivre (breakbeats, progressive) ? L'Italie et la deep, l'Allemagne et la trance ? Ouvrons les yeux. Les médias anglais, sans pop stars ni lyrics, perdent leur pouvoir lorsqu'il s'agit de dance et la house devient INTERNATIONALE. Pas de barrière linguistique. Plus de mafia journalistique. La France peut ainsi s'exporter : Shazz, Garnier, Deepside sur Transmat (US), L'n'S sur Deconstruction (UK), Brainwasher et Liza'n'Heliaz sur Bonzaï (Belg.), Erik Rug sur Hi-Bias (Canada), Le Castor sur See Saw (Belg.) et dans les hard charts devant Sven Väth, ou encore RAR en licence sur Crash (All.).
Sans vraiment être aidée par la conjoncture, la France existe, plutôt tard que jamais. Relevons donc l'échine. Sans chauvinisme aucun, mais sans complexe non plus. De gros médias nous soutiennent (les quotidiens Libération et Le Jour), et il ne faut plus s'auto-complaire dans la médiocrité moyenâgeuse des jours anciens.
Doucement mais sûrement, influencée peut-être mais personnelle, la house en France s'est faite toute seule : Don't Kill Her.
PHILIPPE LAUGIER & ÉRIK RUG